Le 1er février, jour de l’Abolition de l’esclavage, est l’occasion de se tourner vers Le Morne, inscrit au Patrimoine mondial par l’Unesco, haut lieu symbolique du marronage et la résistance à l’esclavage, et Mahébourg, l’ancien port où accostaient les bateaux négriers. Il existe un autre lieu tout aussi chargé en histoire et en émotions du temps de l’esclavage qui reste encore méconnu, le village de Pamplemousses. Six sites y ont été identifiés par le ministère des Arts et de la Culture qui en a fait un parcours du patrimoine des esclaves.
Ce parcours lancé officiellement en septembre 2019, retrace la quasi-totalité de l’histoire de Maurice durant la colonisation française dans la mesure où il comprend l’interconnexion de sites relatifs au commerce des esclaves, à la colonisation, à l’économie esclavagiste et à l’activité militaire. L’objectif de ce sentier est de sensibiliser davantage la population aux aspects cruciaux de l’esclavage à Maurice.
Le sentier du patrimoine des esclaves de Pamplemousses se compose de six sites dont cinq sont situés à distance de marche. Il s’agit notamment du Bassin des esclaves, de La place du Bourg, du cimetière des esclaves, de l’église St. François d’Assise et du jardin botanique SSR. Le sixième, le site archéologique du Moulin à poudre se trouve à un peu plus d’un kilomètre près de l’hôpital du Nord.
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Ajai Daby
Si vous souhaitez profiter d’une visite au jardin botanique pour également faire ce parcours du patrimoine des esclaves, le mieux est de commencer par le site archéologique du Moulin à poudre. La signification historique de ce site est immense. C’était la seule usine de fabrication de poudre à canon de l’Empire français à l’île de France. Des centaines d’esclaves du gouvernement, hommes et femmes, y étaient employées. Fondé en 1775, il s’agissait du seul complexe industriel du XVIIIe siècle encore existant à Maurice. Le moulin à poudre avait produit une quantité massive de poudre à canon vendue à la marine française, aux navires marchands négriers et localement. Il avait cessé ses activités en 1810, après la prise de l’île par les Anglais, après quoi le site a été converti en prison pour les prisonniers politiques du Sri Lanka, puis en prison pour soldats. Dans les années 1860 un orphelinat et un asile des lépreux y furent construits. Les ruines de bon nombre de ces structures ont été découvertes lors de l‘étude archéologique de 2016 sur le site, qui avait révélé de multiples couches historiques et qui méritait une étude et une restauration plus poussées.
Cimetière des Noirs
Direction ensuite l’église de st. François d’Assise, en face du jardin, qui était la troisième paroisse à s’établir sur l’île après St Louis à Port-Louis et Notre Dame des Anges à Mahébourg. C’est l’une des plus anciennes églises de l’île qui reflète le début de l’Église chrétienne dans la colonie. C’est sous le règne de Mahé La Bourdonnais que l’église a été construite. En 1737, la chapelle construite au Château de Labourdonnais fut par la suite fermée pour laisser la place à L’église Saint-François d’Assise en raison du nombre croissant de fidèles. La construction de l’église a commencé en 1742 et s’est achevée en 1756. La construction d’une église à Pamplemousses au début de l’occupation française témoigne de l’importance du village à cette époque. C’est aussi un rappel des politiques de discrimination raciale qui ont caractérisé la période de l’esclavage colonial, l’église n’étant pas accessible aux esclaves tout comme le cimetière.
C’est pourquoi on a créé le cimetière des Noirs ou cimetière des Esclaves qui est situé à une cinquantaine de mètres de là. Ce cimetière apparaît pour la première fois sur des cartes de la fin du XVIIIe siècle et aurait été créé lors des épidémies de variole qui décimaient la population d'esclaves en 1792. L'absence de registres funéraires pour les Noirs est un point sensible pour les habitants, dont beaucoup essaient de retracer leur ascendance et l'emplacement précis des lots où sont enterrés leurs ancêtres. Quelques noms ont quand même pu être retracés comme Domingue, « noir mozambique de la succession Regnard » ou encore Babeth, « ancienne négresse de l’établissement de Villebague ».
À côté de l’église, derrière le terrain de football, se trouve le bassin des esclaves, une fontaine construite pour les esclaves afin de leur fournir de l’eau potable vers 1786 en raison du nombre élevé d’esclaves du gouvernement touchés par la dysenterie. Bien qu’il ne soit pas certain que la fontaine se trouvait exactement en ce lieu, il existe une riche histoire orale du village, recueillie en 2013 par les chercheurs du National Heritage Fund. Le « Bassin » a été un lieu où des esclaves étaient amenés et lavés avant d’être emmenés pour la vente à la place du Bourg, une zone située devant ce qui est aujourd’hui le conseil de district, où se dérouleraient les activités du village (telles que la vente de produits et même d’esclaves).
Services rendus à la France
Un camp pour des esclaves connues sous le nom de « Noirs de Commune » se trouvait également à proximité. Ces esclaves travaillaient pour le gouvernement. Certains ont été Ioués par des particuliers qui étaient légalement tenus de fournir des esclaves pour des travaux publics. Les travaux des Noirs de Commune consistaient en la réparation et la construction de routes, de ponts et de bâtiments publics. L’un de leurs premiers projets fut la route reliant Port-Louis à Pamplemousses, construite sous le gouverneur Labourdonnais, et le canal qui alimentait le jardin botanique qui tirait son eau de la rivière des Pamplemousses (canal de Villebague).
Des centaines d’esclaves ont aussi été employées à divers titres, tels que jardiniers, charretiers, lutte contre les parasites, irrigation pour la création de ce jardin par Pierre Poivre. lls vivaient dans le camp des esclaves. Parmi ceux qui s’étaient distingués figurent I’esclave Rama et l’esclave René, qui ont été tous deux promus en reconnaissance de leurs services rendus à la France. La cérémonie qui avait eu lieu pour leur mission s’était déroulée sous un arbre dans le jardin de Pamplemousses.
1st February: the slave heritage trail in Pamplemousses
February 1st, the day of the Abolition of Slavery, is the occasion to turn to Le Morne, listed as a World Heritage Site by UNESCO, a symbolic place of marooning and resistance to slavery, and Mahébourg, the former port where slave ships docked. There is another place just as full of history and emotions from the time of slavery that is still little known, the village of Pamplemousses. Six sites have been identified there by the Ministry of Arts and Culture, which has turned it into a slave heritage trail.
This trail, which was officially launched in September 2019, traces almost the entire history of Mauritius during the French colonisation as it includes the interconnection of sites relating to the slave trade, colonisation, the slave economy and military activity. The objective of the trail is to raise awareness of the crucial aspects of slavery in Mauritius.
The Pamplemousses Slave Heritage Trail consists of six sites, five of which are within walking distance. These include the Bassin des Esclaves, La Place du Bourg, the Slave Cemetery, St. Francis of Assisi Church and the SSR Botanical Garden. The sixth, the archaeological site of the Moulin à poudre (Powder Mill), is located just over a kilometre from the Hôpital du Nord,
If you want to take advantage of a visit to the botanical garden to also do this slave heritage tour, the best place to start is the Gunpowder Mill archaeological site. The historical significance of this site is immense. It was the only gunpowder factory of the French Empire on the island of France. Hundreds of government slaves, both men and women, were employed there. Founded in 1775, it was the only remaining 18th century industrial complex in Mauritius. The gunpowder mill had produced a massive quantity of gunpowder which was sold to the French Navy, slave ships and locally. It ceased operations in 1810, after the British took over the island, after which the site was converted into a prison for political prisoners from Sri Lanka, and later into a prison for soldiers. In the 1860s an orphanage and a leper asylum were built there. The ruins of many of these structures were discovered during the 2016 archaeological survey of the site, which revealed multiple historical layers and merited further study and restoration.
Black Cemetery
Next we head for the church of St. Francis of Assisi, opposite the garden, which was the third parish to be established on the island after St. Louis in Port Louis and Notre Dame des Anges in Mahébourg. It is one of the oldest churches on the island and reflects the beginning of the Christian Church in the colony. It was during the reign of Mahé La Bourdonnais that the church was built. In 1737, the chapel built at the Château de Labourdonnais was later closed to make way for the Church of St. Francis of Assisi due to the growing number of worshippers. The construction of the church began in 1742 and was completed in 1756. The construction of a church in Pamplemousses at the beginning of the French occupation is a testimony to the importance of the village at that time. It is also a reminder of the policies of racial discrimination that characterised the period of colonial slavery, as the church was not accessible to slaves, nor was the cemetery.
This is why the Black Cemetery or Slave Cemetery was created, which is located about 50 metres away. This cemetery first appears on maps from the late 18th century and is believed to have been created during the smallpox epidemics that decimated the slave population in 1792. The absence of burial records for blacks is a sensitive issue for the inhabitants, many of whom are trying to trace their ancestry and the precise location of the plots where their ancestors are buried. A few names could be traced, however, such as Domingue, « black Mozambique from the Regnard estate », or Babeth, « former Negress from the Villebague settlement ».
Next to the church, behind the football field, is the Bassin des Esclaves, a fountain built for the slaves to provide them with drinking water around 1786 because of the high number of government slaves affected by dysentery. Although it is not certain that the fountain was exactly in this location, there is a rich oral history of the village, collected in 2013 by National Heritage Fund researchers. The ‘Bassin’ was a place where slaves were brought and washed before being taken for sale to the Place du Bourg, an area in front of what is now the District Council, where village activities (such as the sale of produce and even slaves) would take place.
Services to France
A camp for slaves known as ‘Commune Blacks’ was also located nearby. These slaves worked for the government. Some were hired by individuals who were legally obliged to provide slaves for public works. The work of the Commune Blacks consisted of the repair and construction of roads, bridges and public buildings. One of their first projects was the road linking Port-Louis to Pamplemousses, built under Governor Labourdonnais, and the canal that fed the botanical garden, which drew its water from the Pamplemousses River (Canal de Villebague).
Hundreds of slaves were also employed in various capacities, such as gardeners, carters, pest control and irrigation for the creation of this garden by Pierre Poivre. Among those who had distinguished themselves were the slave Rama and the slave René, who were both promoted in recognition of their services to France. The ceremony for their mission took place under a tree in the garden of Pamplemousses.